Master class

Nicolas Vaude

Voué, dès son plus jeune âge, à une brillante carrière artistique, Nicolas Vaude a eu la chance de pouvoir faire ses armes sous l’œil bienveillant de grands comédiens et metteurs en scènes. Actif sur les planches et derrière les caméras, il nous a fait le plaisir de venir partager avec nous le temps d'une matinée, sa vision de l'art dramatique, son savoir et ses précieux conseils.

Nicolas Vaude

La dame de la mer d'Henrik Ibsen

La première scène que Nicolas Vaude, devant une salle comble attentive, fait travailler aux élèves est extraite de La dame et la mer d'Ibsen. Cette pièce écrite en 1888 raconte l'histoire d'Ellida et Wangel. 

Wangel est un docteur d'un certain âge, qui jouit d'une assez bonne situation et il est profondément amoureux d'Ellida. Ellida est plus jeune que Wangel, et malgré leur union, elle ne parvient pas à le suivre dans ses sentiments, elle est hantée par le souvenir d'un amour de jeunesse, un marin, qui dût la quitter subitement mais lui promit de revenir un jour. Depuis, Ellida vit dans l'attente, elle n'a plus le goût de l'amour, et suit le fil de sa vie telle une barque à la dérive. Au fil de la pièce, comme au fil de l'eau qui promène doucement Ellida dans ses incertitudes, la heurtant contre les rochers de la vie, cette dernière luttera, ne sachant quel choix opérer : résister en attendant l'amour passionné qui peut-être ne reviendra pas, ou s'abîmer dans une vie paisible promettant un avenir sans accalmies.

Ici, Wangel affronte la réalité, il apprend qu'Ellida a déjà donné son amour, et qu'il n'est pas question qu'elle le confie à un autre homme. Il exige d'elle qu'elle fasse un choix, soit il la gardera auprès de lui, soit elle doit le quitter à jamais.

"Ma place, je crois, est auprès de lui"
 

Les deux élèves s'embarquent dans un rythme un peu trop soutenu pour Nicolas Vaude, placé au fond de la salle, qui trouve que cela manque d'intelligibilité. Il explique qu'il faut que l'on entende tous les mots sans exception, dans une scène pareille, chaque mot est pesé, placé précautionneusement, on ne peut pas en banaliser un seul, "il faut prendre son temps, c'est la priorité. On reprend !"

Et les deux comédiens de repartir, en prenant ses indications en compte. Mais Nicolas les interrompt rapidement, la jeune fille a trouvé l'état "juste" du personnage, mais (et c'est le piège auquel il faut faire attention lorsqu'on est juste vocalement), elle ne projette plus, elle revient sur elle et sa diction se fait moins nette.

"Ce n'est pas parce qu'on est dans un certain état que l'on doit parler comme on le ferait si nous étions, dans la vie, dans ce même état! La réalité est différente sur scène, elle est plus grande, on ne doit pas tomber dans le quotidien comme au cinéma. C'est tragique ce qu'il se passe ici. Dans cette scène, il y a comme un ton suspendu."

 Master Class de Nicolas Vaude

La Reine Morte de Montherlant

Montherlant redonne vie, avec La reine morte, à la grande tragédie. Le Roi Ferrante, gravement malade, et qui sent sa fin proche, doit transmettre son pouvoir à son fils et le marier à l'Infante de Navarre, union qui sera l'assurance d'un avantage politique. Hélas, son fils en aime une autre, et leur amour est tel qu'ils se sont déjà promis fidélité, et ce en cachette de leurs familles respectives. L'issu de cet hyménée sera fatal, le fils verra son amour assassiné, ordre du Roi. Montherlant oppose, dans un combat sans merci, le père contre le fils.

Nicolas Vaude freine les deux comédiennes qui démarrent trop vite à son goût. "Il faut éviter la robotisation, donner l'impression qu'on est à la fois dans l'instant, dans la relation et dans le moment présent ; prendre le temps de lui faire parvenir les choses et prendre le temps de respirer." 

Nicolas leur demande d'élargir davantage, il aimerait plus d'ampleur dans le jeu : "Les personnages sont plus grands que vous, ils sont immenses alors ne soyez pas timides. Il faut démarrer fort, mais prenez garde à ne pas laisser retomber l'énergie derrière, il faut la tenir jusqu'au bout cette énergie, et ne surtout pas lâcher la situation, c'est ce qui donne la vérité de ce qu'on joue. Si vous prenez Le Menteur de Corneille, vous verrez qu'il y a en tout quatorze mensonges, et il faut qu'on les entende ces mensonges, le public veut tous les entendre!"

Les jeunes filles ont parfaitement saisi les attentes de Nicolas, elles reprennent la scène avec brio et terminent sous les applaudissements d'un public conquis.
 

 Nicolas Vaude indiquant une scène de La Reine Morte de Montherlant

Phèdre de Racine

Avec Phèdre, Racine écrit une pièce qui restera un modèle de tragédie classique, il la définit lui-même comme étant "la meilleure de ses tragédies".

Dans la scène que nous avons le plaisir d'entendre à présent, Aricie confesse à sa confidente, Ismène, qu'elle est éprise d'Hippolyte, et Ismène lui assure qu'elle en est aimée en retour, elle avait déjà deviné cet amour, 

"Le nom d'amant peut-être offense son courage, mais il en a les yeux, s'il n'en a le langage."
 

Une des élèves qui joue est américaine, et se livre à un exercice périlleux. Sa prestation est saluée par Nicolas Vaude, mais nous sommes ici dans un "laboratoire", alors ne nous arrêtons pas là. Il insiste sur le caractère musical de ce texte, et veut entendre tous les vers, certains sont passés un peu à la trappe. "Articulez-le et vous allez trouver, je veux plus de sentiment, on est chez Racine, la petitesse n'a pas sa place ici, tout doit être immense, chaque mot, chaque geste, il faut les assumer, et lâcher les sentiments, partir au galop avec eux".

Cendrillon de Joël Pommerat 

Changeons de registre, et allons faire un tour du côté des contes. Nombreux sont ceux qui cantonnent Cendrillon au portrait qu'en ont fait Charles Perrault et Walt Disney, mais c'est un portrait beaucoup plus sombre que brosse ici Joël Pommerat. C'est une histoire qui part d'un deuil, de la mort de la mère. C'est cette question de la mort qui a donné à Joël Pommerat l'envie de raconter cette histoire, casser le mythe, mais parce qu'il trouvait que ce point de vue levait le voile sur bien des choses. C'est une histoire qui parle du désir, de la vie, de l'absence. Il confie dans une interview : "enfant j'aurais aimé qu'on me parle de la mort alors aujourd'hui je trouve intéressant d'essayer d'en parler aux enfants."

Après la mort de sa mère, une jeune fille, tyrannisée par la nouvelle épouse de son père est sujettes à de grandes souffrances. Par bonheur, une fée un peu négligée et qui trouve l'éternité longue débarque dans sa vie et entreprend de lui venir en aide.

C'est une situation à la fois très drôle et très émouvante qui se dessine. Nicolas Vaude a peu de remarques a apporter cette fois, si ce n'est de faire attention au rythme, "il y a toujours la question de savoir qui mène la scène et lui donne son mouvement", il leur propose de s'échauffer un peu sur le plateau, de faire un travail un peu plus physique afin de concentrer leur attention sur leur corps et ainsi casser la mélodie dans laquelle elles se sont installées.

Les Sincères de Marivaux 

Pour clôturer cette Master Class passionnante, une scène des Sincères a été préparée pour l'occasion.

Écrite en 1739, cette pièce rencontra un vif succès dès les premières représentations. Elle présente deux couples (maître/maîtresse et valet/soubrette), la marquise prétend aimer la sincérité, et va parfois jusqu'à user de méchanceté gratuite par excès de sincérité, et Ergaste, son alter ego, prétend également passer pour sincère et tient ferme à ce qu'on le croie tel…

S'en suivent des démonstrations de coquetterie, mêlées à de la médisance et de la fausse modestie qui prêtent à la moquerie de la part des valets qui tentent de faire échouer ce mariage pour le plus grand plaisir des spectateurs qui voient punis ces deux imposteurs.

La scène entre la Marquise et Ergaste vient d'être jouée par deux nouvelles élèves du Foyer, la salle rit beaucoup, Nicolas est charmé mais il tient à peaufiner le jeu d'Ergaste : "On veut de la sincérité, on attend le moment où les choses vont être enfin dites. C'est ton trop-plein de sincérité qui rend la scène comique. Il faut nous donner plus d'humeur, que tu sois plus pressant, plus impatient, plus heureux, toujours plus, mais aussi que tu prennes plus ton temps au début de la scène. Tout ne doit pas être sur le même rythme, il faut garder ta cadence, et, à l'intérieur de ça, varier les rythmes, t'amuser en ralentissant, en accélérant, délectes toi des mots!"

Il n'est pas chose aisée de trouver le ton juste pour jouer Marivaux, car en dépit de la douceur des mots, les sentiments eux sont cruels, le jeu doit être plus engagé, l'amour n'est pas toujours rose, il blesse souvent, et Marivaux, à travers ses pièces en dévoile toutes les facettes. Un bon exercice serait de lire l'intégrale de ses œuvres, pour en comprendre mieux les mots qu'il utilise ici. Il faut aimer chaque mot, en les comprenant bien un à un pour y mettre tout le sentiment qui lui, n'est pas expliqué dans un dictionnaire.

Fort le texte et hauts les sentiments!

Rideau!

Cette Master Class a eu lieu le 8 février 2016

Biographie de Nicolas Vaude

Né le 24 juillet 1962 à Paris, Nicolas Vaude se découvre un amour pour le théâtre à l'âge de douze ans alors qu'il participe au concours interscolaire de Versailles, aux côtés notamment de Denis Podalydès. Plutôt que de suivre un cursus classique à l'université, il se consacre entièrement à l'art de la dramaturgie. Au sortir de cette formation, il suit pendant deux ans des cours d'Art Dramatique au théâtre de l'Atelier. Il y rencontre une deuxième famille dont certains l'accompagneront longtemps dans sa carrière (Nicolas Briançon, Annie Grégorio, Elie Semoun …). Il est admis ensuite à l'école de la Rue Blanche, dans laquelle il étudiera quatre années.

Il aura l'immense joie de pouvoir, tout au long de sa carrière, travailler sous la houlette de metteurs en scène de renom : Claude Rich, Nicolas Briançon ou encore Barbara Schulz.

C'est aux côtés du talentueux Jean-Pierre Marielle qu'il se lance sur scène en 1986 dans Clérambard de Marcel Aymé et dans une mise en scène de Jacques Rosny, il y interprète Octave, rôle pour lequel il se verra nominé pour le Molière de la Révélation Masculine.

L'année suivante, en parallèle de sa florissante carrière sur les planches, Nicolas fait ses débuts au cinéma, dans Travelling Avant de Jean-Charles Taccella, il y découvre un autre univers. Il a la chance de pouvoir travailler sous la direction de grands réalisateurs comme Patrice Chéraud ou Jean-Paul Rappeneau. Il fait partie du casting , dans un second rôle, du Pacte des loups de Christophe Gans, Dialogue avec mon jardinier de Jean Becker, Molière de Laurent Tirard et Ariane Mnouchkine, et plus récemment : Les Visiteurs: La Révolution de Jean-Marie Poiré. Il s'affiche aussi régulièrement dans des séries telles que Le Juge est une femme, Navarro ou Sœur Thérèse.com... 

Au théâtre, il joue de nombreuses pièces du répertoire classique : Britannicus, Dom Juan, plus récemment Le Misanthrope aux côtés de et mis en scène par Chloé Lambert.

En 1998, il reçoit le Molière de la révélation théâtrale pour le rôle de Sébastien dans Château en Suède de Françoise Sagan, mis en scène par Annick Blancheteau, qui le met également en scène dans Un inspecteur vous demande.

En 2001, Nicolas Vaude se glisse dans la peau du Neveu de Rameau de Diderot, c'est un spectacle qui rencontre un vif succès et qui reste à l'affiche deux années durant Selon lui, c'est un des plus beaux rôles, ce qui le pousse à reprendre la pièce en 2009 et 2013.

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